Projets d’aménagements urbains en Outre-Mer : le TCSP de la communauté d’agglomération Cap’ Excellence (Guadeloupe) – 2ème partie : le BHQS

Un exemple d’un des Pôles d’Echanges Multimodaux qui seraient aménagés pour le futur TCSP de Guadeloupe à l’horizon 2030

Introduction

La communauté d’agglomération Cap Excellence, située au cœur de la Guadeloupe « proprement dite » a présenté en septembre 2013 son projet de TCSP (Transport en Site Propre), en collaboration avec le Syndicat Mixte des Transports (SMT) du Petit-Cul-de-Sac-Marin. Celui-ci devait initialement prendre l’apparence d’un tramway censé desservir les trois communes de Cap Excellence que sont Les Abymes, Pointe-à-Pitre et Baie-Mahault, ainsi que Le Gosier (qui fait pourtant partie de la Communauté d’Agglomération de la Riviera du Levant correspondant au Sud-Est de la Grande-Terre ainsi qu’à La Désirade). Ce projet aurait dû voir le jour dans sa totalité en 2030, mais en janvier 2018, coup de théâtre ! Le président du Conseil Régional de la Guadeloupe, Ary Chalus, annonçait que le projet de tramway a malheureusement été annulé, faute de coûts trop onéreux quant à sa mise en service (ils étaient de 400 millions d’euros !) et qu’ils seraient réservés à « d’autres priorités » comme la distribution de l’eau dans l’archipel. Ce sera donc finalement un projet de BHNS (But à Haut Niveau de Service) qui devrait voir le jour, bien qu’il soit plus énergivore qu’un tramway. Intéressons-nous à ce dernier qui serait mis en service à l’horizon 2030.

Carte stratégique du Schéma d’Aménagement Régional (SAR) de la Guadeloupe qui inclut le TSCP censé desservir principalement l’agglomération pointoise et ses environs

Objectifs du BHNS de l’agglomération pointoise

Le projet du TCSP de Guadeloupe s’articule autour de 3 grands objectifs :

  1. Désenclaver les quartiers faisant l’objet de la Politique de la Ville en créant des liaisons rapides vers le cœur de l’agglomération pointoise ainsi que des pôles multimodaux (développement de parkings-relais, correspondances avec la Gare Routière et Maritime de Bergevin ainsi qu’avec les transports interurbains et régionaux du SMT) ;
  2. Renforcer l’attractivité des quartiers desservis par le TCSP via des travaux de paysages et d’embellissement accompagnant son insertion à travers des programmes de requalification des rues débouchant sur un renouvellement urbain ;
  3. Rendre le cadre urbain plus agréable, plus aéré, plus apaisé et plus accessible avec le partage des axes routiers entre les automobilistes, les transports collectifs et les modes doux (vélos, trottinettes électriques, etc).

En résumé, le BHNS de Cap Excellence s’est donné pour mission de répondre à la demande grandissante en transport collectifs afin de faciliter la mobilité de ses habitants, mais aussi de favoriser les échanges avec d’autres intercommunalités de Guadeloupe comme la Riviera du Levant, la CANGT (Communauté d’Agglomération du Nord Grande-Terre) et la CANBT (Communauté d’Agglomération du Nord Basse-Terre), voire Grand Sud Caraïbe (intercommunalité regroupant le chef-lieu, Basse-Terre ainsi que ses environs).

Planning prévisionnel de l’opération du TCSP de Guadeloupe

En 2018, un planning prévisionnel avait été établi par Cap Excellence concernant le projet de TCSP. Il comprend 5 étapes que sont :

  1. Les études techniques préalables (2e semestre 2019) ;
  2. La définition du projet et l’organisation de la maîtrise d’ouvrage (1er semestre 2020) ;
  3. Les études de conception (du 2e semestre 2020 au 2e semestre 2024) ;
  4. Les procédures administratives (du 2e semestre 2020 au 1er semestre 2025) ;
  5. Les travaux (début initialement prévu à la mi-2023 et achèvement initialement prévu pour la mi-2025).

Impacts du TCSP sur le territoire

Le projet du TCSP qui desservira l’agglomération pointoise, ainsi que les communes de la Grande-Terre et de la Basse-Terre situées dans l’aire d’influence de cette dernière générera plusieurs impacts sur la mobilité de la population, mais aussi sur le plan environnemental.

Renforcement de l’usage des transports collectifs

  • Une desserte d’un plus grand nombre d’habitants de l’agglomération pointoise et des communes environnantes ;
  • Une augmentation de la vitesse commerciale des TC en faveur de leurs usagers ;
  • Un accès aux transports en commun pour les personnes à mobilité réduite ;
  • Une hausse de la part de marché des transports collectifs en vue de la réduction des nuisances liées à l’usage de la voiture

Impacts sur le plan environnemental

  • Une fréquentation des centres-villes limitant les nuisances de la circulation automobile ;
  • Une liaison efficace entre les zones résidentielles, les zones d’emploi et de loisirs ;
  • Un équilibre de l’urbanisation par le biais de l’émergence de quartiers ayant une meilleure qualité de vie ;
  • Une amélioration de la qualité de l’air par le biais de la réduction de la pollution et des émissions de gaz à effet de serre (GES) ;
  • Un développement des offres de service intégrant une stratégie carboneutre.

https://www.capexcellence.net/se-deplacer/transport-collectif-en-site-propre

Le TCSP de Guadeloupe : entre ambition et prudence

Une éventuelle mise sur les rails ?

Durant une table ronde qui s’est tenue dans le cadre des Assises de la Sécurité Routière qui se sont déroulées le 5 avril 2022 au Mémorial ACTe de Pointe-à-Pitre, le dossier du TCSP avait été évoqué par le SMT, dont le projet est actuellement en phase d’étude. Le responsable des moyens généraux de l’organisme de transports en commun de l’agglomération pointoise, Karim Cyril, a précisé que l’enveloppe gouvernementale qui a été débloquée pour le projet s’élève à 13,6 millions d’euros. A cela s’ajoutent des apports provenant de la Région Guadeloupe, du Département Guadeloupe, des communes qui seront desservies par le TCSP (Les Abymes, Pointe-à-Pitre, Baie-Mahault, etc.) et bien évidemment du Syndicat Mixte des Transports du Petit-Cul-de-Sac-Marin. Il a par ailleurs déclaré que « la Guadeloupe a été lauréate de l’appel à projet gouvernemental pour les pôles d’échanges multimodaux et le TCSP ». Il poursuit en indiquant que « l’usager pourra ainsi déposer son véhicule et prendre le TCSP pour se rendre dans l’agglomération centre, avec un véhicule plus propre et plus rapide, ainsi que des voies dédiées« .

C’est en 2024 que le chantier du TCSP de l’agglomération pointoise pourrait être lancé. Mais la date de mise en service reste encore à ce jour inconnue, car cela dépend notamment de l’emprise foncière, ou encore de la surface des terrains à acquérir pour mener le projet à terme. Notons, en revanche, que les études préparatoires sont actuellement en cours.

https://www.rci.fm/guadeloupe/infos/Informations-pratiques/Le-projet-du-TCSP-sur-les-bons-rails

Un projet développé avec prudence et lenteur par Cap Excellence

Le projet de TCSP représente un défi de taille pour Cap Excellence en matière de transport, mais aussi d’urbanisme. C’est ainsi l’EPCI (Etablissement Public de Coopération Intercommunale) a décidé de gérer ce dossier avec lenteur et prudence, afin d’éviter d’éventuels obstacles néfastes à son développement.

Lors d’un conseil communautaire qui s’est déroulé en 2021, Cap Excellence a relancé le dossier du fameux TCSP censé desservir le territoire de l’intercommunalité qui devait prendre initialement la forme d’un tramway. Ce sera finalement un BHQS (Bus à Haute Qualité de Service), qui servira de projet final, mais avec quelques amendements. Ce projet de grande envergure est conceptualisé en différentes tranches tout en maximisant les infrastructures existantes, mais les élus l’ont examiné avec une grande vigilance, car ils se sont rendus à l’évidence que les études de faisabilité ont prouvé que la réalisation du tramway – qui était censé assurer le développement de la Guadeloupe – avait des limites, puisqu’un seul EPCI ne pouvait pas porter une opération pharaonique financièrement parlant, puisque le montant s’élevait à plus de 400 millions d’euros !

Document des résultats de l’appel à projets national pour les TCSP et PEM publié en octobre 2021

C’est grâce à un coup de pouce de l’Etat que le projet de TCSP en Guadeloupe a pu être relancé, puisque l’an dernier, l’archipel (aux côtés des quatre autres régions monodépartementales d’Outre-Mer), remportait le 4e appel à projet « Transports en site propre et pôles d’échanges multimodaux », lancé par l’ancien Premier Ministre Jean Castex. Lors de l’annonce du résultat, ce dernier a exprimé la volonté de l’Etat d’encourager le développement des transports urbains dans les Outre-Mer tout en mettant en place une subvention de 13,6 millions d’euros. Pour ce qui est de la 1ère tranche du projet, l’apport représente un peu moins du tiers de son financement.

Tracé du futur TCSP de Guadeloupe

La version finale du projet prévoit un tracé long de 45 km qui mettrait en cohérence une vaste zone de desserte allant non seulement d’est en ouest (du Gosier à Sainte-Rose), mais aussi du nord vers le sud (de Morne-à-l’Eau à Petit-Bourg). Mais la 1ère phase de mise en service ne concernera que les communes de Cap Excellence (Les Abymes, Pointe-à-Pitre et Baie-Mahault), puisque le SMT a prévu que le tracé prenne la forme d’un axe croisé, puisque le BHQS doit d’abord desservir les quartiers prioritaires de l’intercommunalité, avant de s’étendre le long de la Route Nationale 4, jusqu’aux abords du centre-ville du Gosier. Cette phase consiste à désengorger une zone marquée par d’importants embouteillages aux heures de pointe.

Le TCSP de l’agglomération de Fort-de-France (Martinique), en service depuis le 13 août 2018

Un projet plus raisonnable, plus pragmatique

Le projet du TCSP de l’agglomération pointoise se veut plus raisonnable et plus pragmatique en matière de budget et de tracé, mais aussi dans la logistique, contrairement à celui de l’agglomération de Fort-de-France (Martinique) en service depuis août 2018, ou celui de l’agglomération de Cayenne (Guyane), baptisé Yanéo, qui sera mis en service en 2023. Ces derniers ont un point commun : les deux collectivités territoriales se sont engagées dans des projets lourds conduisant à la création de nouveaux axes de circulation. Mais pour le SMT, ce projet s’appuie sur le réseau de transport (ici les autobus et bus des mers Karu’Lis) ainsi que les axes routiers existants. Il faudra alors les remodeler ou en cas d’impossibilité (dus à des obstacles infranchissables sur le plan du relief), il faudra aménager de nouveaux axes.

Visuel de Yanéo, le TCSP de l’agglomération de Cayenne (Guyane), qui sera mis en service en 2023

Laurent Saldini, responsable du service Transport et Mobilité au SMT indique que « les voies ne seront pas réservées exclusivement au BHQS » et qu’il faut « mutualiser les couloirs de transports« , puisque les transports scolaires ainsi que certaines lignes d’autobus régulières pourraient être « amenées à utiliser ces voies au même titre que les bus du SMT« . Il voit en cette solution non seulement un moyen d’offrir un confort inégalé aux usagers de la route, mais aussi d’économiser dans le budget. Il s’est également permis de dresser un comparatif avec le TCSP de Martinique dont le chantier a coûté 500 millions d’euros pour 20 km de voies, alors que celui de Guadeloupe coûte 320 millions d’euros pour 45 km de voies. On peut également noter que contrairement aux TCSP des deux autres DFA, celui de l’archipel permettrait également d’éviter les crispations des automobilistes, ce qui réduirait par la même occasion la saturation des voies aux heures de pointe.

Un exemple de pôle d’échange multimodal qui serait aménagé dans le cadre du futur TCSP de Guadeloupe

L’intermodalité : un atout pour le TCSP de Guadeloupe

Dès la 1ère tranche, le TCSP de Guadeloupe inclura des pôles intermodaux, puisqu’un usager qui validera son ticket à l’une des stations de la ligne pourra poursuivre son trajet jusqu’à la destination finale que ce soit par le futur BHQS ou une des lignes d’autobus du réseau Karu’Lis ou tout autre moyen de transport mis en place sur un trajet identique par le SMT.

Autre exemple de pôle d’échange multimodal pouvant être aménagé dans le cadre du projet du TCSP de Guadeloupe

Patrick Rilcy, directeur général du SMT a par ailleurs précisé qu’ils ont « commandé des vélos électriques afin de rester fidèle à leur engagement de développement durable, ce qui viendrait compléter le service offert aux usagers« .

Exemple de correspondance entre bus et tramway pouvant servir de modèle à l’inteconnexion entre le futur TCSP de Guadeloupe et les lignes d’autobus du réseau Karu’Lis

De plus, le syndicat compte apaiser les réticences des usagers de la périphérie que l’hyper-urbanisation de la Guadeloupe (exercée par l’agglomération pointoise) tend à agacer. M. Rilcy rappelle que « l’urbain attire l’urbain et que la ville se développe en cercles concentriques« . Il indique par la suite que « Cap Excellence rassemble 30% de la population de la Guadeloupe » et que cela pourrait nuire « à son combat s’il tournait le dos » à l’intercommunalité. Il voit qu’il y a, en effet, une nécessité de « desservir les quartiers prioritaires afin de les mettre en relation avec le reste du territoire« , ce qui représente la grande ambition du TCSP. Reste à réaliser le plus grand des défis de la réalisation de ce dernier, son cadre administratif.

2022 : l’année d’une véritable première concrétisation pour le TCSP de Guadeloupe ?

En matière de transports collectifs, la Guadeloupe avance lentement entre les initiatives de l’Etat et celles des collectivités locales. Avec la naissance du SMT au début de la décennie 2010, cela a marqué l’ambition de Cap Excellence de se diriger vers un projet de transport en commun cohérent dans l’archipel, tout en ayant l’appui des collectivités majeures. Mais pour ce faire, il faut organiser l’enchevêtrement administratif entre les différents maîtres d’ouvrages que sont la Région, le Département, l’EPCI et les mairies rattachées à ce dernier.

C’est d’ailleurs dans cette optique que durant la CTAP (Conférence Territoriale de l’Action Publique) dédiée au transport qui s’est tenue en mars 2021, les élus ont choisi un consensus transformant le SMT comme la seule autorité en matière de transport. Mais en prenant cette décision, le dossier des marchés publics se mettra en place par la suite avec un échéancier qui fixe déjà à juin 2022 la publication des premiers marchés destinés au recrutement de l’Assistance Maintenance Ouvrage (AMO). D’ici là, le syndicat poursuit son travail avec les collectivités (chacune de ces dernières s’occupent de leurs tronçons respectifs) ainsi que les concertations à différents échelons.

Conclusion

Contrairement aux TCSP de Martinique et de Guyane, celui de Guadeloupe n’aura pas ses propres voies, puisqu’on envisage de le faire en utilisant les axes routiers existants. Autrement dit, il partagera les voies utilisées par les autres usagers de la route. Ceci traduit une volonté des collectivités et du SMT d’être prudents quant à la réalisation de ce projet d’envergure, tout en restant ambitieux. Reste à savoir s’il tiendra réellement la route et sera capable de circuler en toute sécurité sans empiéter sur la circulation automobile notamment.

Par Anthony Bassien-Capsa, le 2 juillet 2022

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